La philosophie naturelle dans le fond ancien de la BU Lettres et de la Bibliothèque Saint Charles
Exposition organisée par la BU Lettres
Date :10 février au 13 mars 2014
Horaires :
Lieu :Bibliothèque R. Llull
Le fonds ancien de la BU Lettres, conservé à la Réserve, regroupe 5671 ouvrages imprimés du 16eau 19esiècle dans des disciplines très variées : géographie, histoire, théologie, sciences sociales, arts, littérature générale et linguistique, langues et littératures allemandes, anglaises, françaises, romanes, classiques, slaves.
« Que nul n’entre ici s’il n’est géomètre » : avec cette inscription qui orne le fronton de l’Académie, école qu’il a fondée à Athènes, le philosophe grec Platon laisse entrevoir le lien historique entre la philosophie et la science, permettant de comprendre ce que désigne la philosophie naturelle (philosophia naturali).
De l’antiquité à la fin du 16esiècle, le terme science était synonyme de connaissance ou étude. Quand le thème de cette étude était la nature et l’univers physique, alors on utilisait le terme philosophie naturelle. Élaborée à partir du 13esiècle et transmis avec toutes ses variantes jusqu’à la fin du 16esiècle, la philosophie naturelle couvre donc un large spectre de disciplines : l’astronomie, la physique, la chimie, la biologie, l’arithmétique, la géométrie, l’harmonie, la théorie des éléments, la cosmologie, la minéralogie, la botanique et la zoologie. Elle se distingue de la philosophie morale (morale et éthique), la théorie de la connaissance, la psychologie, la sociologie, la politique et l’esthétique.
La science et la philosophie sont apparues au même moment, chez les Grecs, il y a plus de deux mille cinq cents ans. Chez les philosophes stoïciens et épicuriens, la physique est, avec la logique et l’éthique, une des trois parties de la philosophie. La philosophie (philosophie première appelée plus tard métaphysique) représente la science suprême, celle des « premiers principes et des premières causes » (Aristote) tandis que les autres sciences (l’arithmétique, la géométrie, l’astronomie, la physique et sciences de la nature) reçoivent d’elle leur fondement et lui sont subordonnées (d’où l’appellation philosophie seconde).
Au Moyen Âge, la philosophie (éthique, physique, logique) constitue la source d’où émanent les arts libéraux qui correspondent aux sept sciences fondamentales (grammaire, rhétorique, dialectique, musique, arithmétique, géométrie et astronomie). Les chaires de philosophie naturelle établies dans les anciennes universités créées au 13esiècle comprenaient l’ensemble des sciences de la nature, selon un corpus universitaire qui reposait sur la philosophie d’Aristote.
À l’aube des Temps modernes, Descartes compare encore la philosophie à « un arbre, dont les racines sont la métaphysique, le tronc, la physique et les branches sont toutes les autres sciences, qui se réduisent à trois principales : la médecine, la mécanique et la morale. René Descartes fit d’abord une carrière de scientifique (travaux en analyse, géométrie, optique). Blaise Pascal fit des découvertes en mathématiques et en mécanique des fluides.
Le scientifique le plus important de cette époque, Isaac Newton, invente avec Leibniz le calcul différentiel et intégral. Son livrePhilosophiae Naturalis Principia Mathematica(1687) dont la BU Lettres possède l’édition de 1739 a été considéré comme le modèle de théorie scientifique jusqu’au début du 20esiècle. Son prestige a influencé de nombreux philosophes : Voltaire, David Hume, Saint-Simon.
Mais avec le développement de la science expérimentale (Galilée et Newton), la physique se sépare de la métaphysique et conquiert son autonomie. Dès lors, l’éloignement de la science et de la philosophie ira croissant. Prenant modèle sur la physique, les autres sciences se sont affranchies les unes après les autres de leur ancrage philosophique. La chimie a pris cette direction avec Lavoisier au 18esiècle, la biologie au 19esiècle avec Lamarck et Claude Bernard.
Les ouvrages exposés d’Aristote, Raymond Llull (dont la Bibliothèque universitaire de Lettres porte le nom), Descartes, Newton et d’autres (Jean Sauri, professeur de philosophie de l’université de Montpellier ; François Bernier, docteur en médecine de la Faculté de Montpellier) illustrent l’évolution de la notion de philosophie naturelle jusqu’à la notion de science telle qu’elle est apparue au 19esiècle et qu’on la connaît aujourd’hui.